Mon fiston, à bientôt douze ans, est un dévoreur de bandes dessinées et autres livres ; curieux, ouvert, il est avide de découvertes. Quand j'ai perdu la vue en août 2006, il prit l'initiative de me faire la lecture me sachant attristée de ne plus avoir accès aux curiosités écrites du monde. Ainsi, il me lisait chaque jour un chapitre ou quelques pages tant que je ne pouvais le faire de moi- même... Bon, d'accord, il me lisait ce qui lui plaisait sans trop se soucier de mon intérêt ; c'était parfois très gonflant ; l'intérêt était ailleurs finalement et ce lien avait tout son sens, malgré ses quelques décisions arbitraires. Je le vécus sous cet angle, simplement. Cette habitude lui est restée partiellement quand un écrit le touche et qu'il a envie de le partager avec moi, enthousiasme pas toujours partagé, je l'avoue quand il s'agit de certains vrais sujets de garçons...
Au club Contes auquel il participe au collège, une surveillante conteuse ouvre les voies de l'esprit par le biais de lectures dont je reçois systématiquement les échos chaque semaine. Comme elle ne lit pas l'intégralité de l'œuvre, le fiston file au CDI pour l'emprunter et le dévorer dans les jours qui suivent. J'ai pu profiter du Fantôme de Canterville d'Oscar Wilde avec grand plaisir, c'était drôle et une belle entrée en matière à cet auteur dont je n'avais encore rien lu . Il y a quelques jours, il me parla d'un autre livre très drôle qu'il tenait ABSOLUMENT à partager. Je n'y prêtai pas attention et un soir, alors que j'étais fatiguée, il entama la lecture malgré mes protestations « Maman, je suis sûr que ça va te plaire, j't'assure ! ». Gros soupir. Je lâchai prise et il commença. Plus il avança, plus j'accrochai et je devinai un petit livre fort.
Oscar a dix ans et habite à l'hôpital. Il s'entend à merveille avec sa Mamie Rose qui lui rend visite régulièrement. Oscar a un cancer. A partir d'une idée insufflée par Mamie Rose, il écrit une lettre chaque jour à Dieu où il raconte son parcours, pendant douze jours, ses douze derniers jours.
C'est beau, c'est émouvant et terriblement drôle ! Les couillons de nains qui croient que Blanche- neige est morte, les infirmières qui entament des airs d'opéra quand elles ne sont pas contentes, le médecin qui prend des airs de chien battu quand il s'avoue impuissant, Dieu dont Oscar ne sait rien et principalement son adresse, Mamie Rose ex- championne de catch, ses compagnons et camarades de jeu ( Bacon, grand brûlé, Einstein à la tête enflée par l'eau qu'elle contient, Pop corn le garçon trop gros, Peggy blue bleue à cause d'une maladie... ), ses parents impuissants et maladroits, la vie, la mort, le don, le prêt et l'émerveillement, la gouaille d'un gamin qui égrène son existence en douze jours pour arriver à 120 ans . Magnifique réflexion sur la condition humaine pleine d'humour et de répliques surprenantes. Une surprise que je ne suis pas prête d'oublier tant ce petit livre faussement simple recèle des trésors d'humanité, de pudeur et de drôlerie. A lire aux enfants, à lire pour soi, à partager sans modération.
Comme le dit mon ami Boris, c'est par des intermédiaires que nous pouvons parler de nos traumas sans effrayer l'écouteur volontaire ou non, c'est par l'art, le cinéma, la littérature, la musique, la création d'autres que la résilience peut s'entamer. Aborder les questions délicates de la maladie, de l'hôpital, des séparations et de la mort est possible avec ce genre de petit livre précieux. Salvateur pour mon fils et moi, il a de quoi l'être pour qui a la chance de le croiser sur son chemin.