Je suis dans le cirage et j'ai quelques difficultés à aligner des idées claires sous les doigts au clavier. Ma tête tape encore de ci de là et quelques hauts me soulèvent le cœur pendant que mon estomac crie sa famine régulièrement :
j'ai fait ma deuxième migraine digestive six mois après la première qui m'avait fauchée subitement en quelques minutes.
C'est un effet secondaire du traitement de suite que je prends chaque jour dans l'espoir de laisser dormir la maladie.
Tout a commencé dimanche soir après la bûche pâtissière aux trois chocolats. J'ai senti presque de suite que j'aurais dû écouter l'intuition qui m'avait soufflé « Attention » ; j'ai voulu être polie envers la personne qui avait amené le gâteau. Un vague sentiment d'écœurement généralisé me prit l'âme. J'eus du mal à m'endormir et dans la nuit, je me réveillai trempée, suant à grosses gouttes. Ces manifestations existaient avant la maladie quand je mangeais quelque plat trop sucré ; avec la chimio et/ ou la maladie, il m'arrive souvent de me réveiller inondée sous ma propre sueur sans raison apparente, réaction corporelle devenue anarchique. Une atteinte du système neuro végétatif, peut être, ont pensé les médecins. Il est très désagréable de se réveiller ainsi, de se changer dans le noir et de retourner dans un lit mouillé, le froid de l'humide traversant la peau violement. J'ai essayé des astuces souvent contrecarrées par le caractère aléatoire de la manifestation, cela ne change rien. Je me rendormis donc après les changements en pensant au programme de la journée du lundi imaginée chargée des tâches ménagères hebdomadaires nécessaires.
Réveil vers 7h des plus désagréables : je descendis prendre mes médicaments. Noyée par une fatigue lourde, je décidai de retourner me coucher avec l'idée de me lever lentement une heure plus tard. A presque 10 heures, ce fut mon garçon qui s'étonna de me trouver encore au lit, je tentai un lever plus énergique. Les odeurs de la cuisine me soulevèrent le cœur ; pressentant la migraine, je pris immédiatement le traitement prescrit lors de la première par Colette (médecin homéopathe très efficace). Arrivèrent les disputes habituelles à propos de broutilles encore et toujours. J'avais beau dire stop, rien n'y fit ce qui n'arrangea nullement mon état. Je quittai la cuisine dans une rage à peine contenue afin de m'isoler et de retrouver un peu de sérénité. Quelques minutes plus tard, après un câlin de mon fiston gêné, je retournai en cuisine où je ne pus avaler qu'un thé de Noël aux épices et un demi -yaourt + lait de soja. Seule et tranquille dans la cuisine, je me nourris très peu et restai assise là, sans bouger, dans un abattement qui ne me ressemble guère. Je trainai en peignoir, ne sachant pas vraiment où me mettre. Je regardai Basil détective privé avec mon garçon ce qui me fit rire un peu. Je remarquai également la qualité des dialogues au vocabulaire des plus châtiés, rien à voir avec la pauvreté de trop nombreux produits pour enfants. Ensuite, je réussis à avaler un bol de bouillon et deux cuillères à soupe de riz complet. Comme j'étais invitée à me secouer et à m'habiller, je tournai les talons et à la surprise de tous, remontai me coucher sans me préoccuper des questions et réflexions qui fusaient.
Tout l'après midi se passa dans un état de sommeil vaseux, je me surpris régulièrement de mon endormissement au réveil brutal consécutif à un bruit, une parole. Les heures s'écoulaient, je dormais et ne répondais plus aux appels. SeN cherchait de la fièvre et voulait me fourguer son sempiternel paracétamol, un léger agacement dans la voix ; fiston venait me faire des petits bisous inquiets. La nuit tomba.
Je sentais que les granules me soulageaient légèrement après la prise, mon état se trainait malgré eux à mon grand désarroi. Rien de mon programme n'avait pu être concrétisé et je n'arrêtai pas de dormir et dormir ; je ne me levais que bousculée par des pipis impérieux m'extirpant de ma torpeur. La nuit tombée, je restai sur le canapé dans l'attente d'un mieux qui ne vint pas constatant à nouveau qu'en cas de faiblesse générale, ma vue s'amoindrissait systématiquement. SeN était démuni et me demandait que faire. Mon ventre commença à grogner, j'avais faim et j'y vis un bon signe, une envie de tisane et de biscottes m'étreignit. L'odeur des œufs me donna envie de vomir et je décidai de prendre ma douche. SeN me guetta par crainte d'une chute. Avec ce traitement immunosuppresseur, le moindre microbe, la moindre infection prend des proportions démesurées chez moi et il m'est souvent arrivé de perdre connaissance, subitement pour un rhume, une gastro ou un refroidissement ; SeN le craint à chaque alerte. J'étais glacée sous l'eau chaude et je ne pus attendre d'avoir un repas prêt, je devais me coucher de suite. Il préféra m'accompagner, mes jambes chancelaient et volaient dans tous les sens, les escaliers en devenaient dangereux à ses yeux. Je me couchais en peignoir et m'endormis très vite, assommée.
Vers 22h 30, un pipi urgent me précipita au rez- de- chaussée ; je tenais à me brosser les dents et le temps de mettre le dentifrice sur la brosse, je me sentis défaillir ; SeN, arrivé à cet instant s'exclama que j'étais toute blanche et je me couchai dans l'urgence sur le tapis de la salle de bains, incapable de me relever. Après quelques interrogations, je décidai de manger un ou deux abricots secs qui me firent du bien, j'avais tout simplement faim. Je me repris et allai manger quelques biscottes dans la cuisine, des forces me revinrent. Nouvelle pression de pipi et je constatai avec dépit qu'une infection urinaire s'ajoutait au tableau. Prise de tous les médicaments et retour au dodo après un brossage des dents sans peine. Dans la nuit, je me réveillai à nouveau trempée, dégoulinante et pleine d'urine. Toilette nocturne dans un semi éveil et retour au lit où le sommeil me gagnait si vite, depuis plus de 24 heures. Je comptai sur un matin revivifiant et ce fut encore au ralenti que je passai ma journée de mardi.
Maintenant, apparemment, je vais mieux, les maux se sont apaisés sur tous les fronts; j'ai pu me promener avec mon garçon dans quelque chemin escarpé, j'ai pu faire mon ménage avec l'aide de tous et je retrouve lentement mes capacités à formuler des pensées plus élargies. La leçon a servi, je l'espère et les repas des fêtes seront placés sous le signe de la modération afin de ne pas repasser par ces instants détestables où tout le corps fiche le camp.
Oui, je suis vivante.
Oui, je marche et je me débrouille au quotidien.
Et oui aussi, la maladie et ses conséquences sont des réalités que je ne peux ignorer, ni mes proches. Les moments de ce type me le rappellent durement.Il est des mythes auxquels j'ai désormais du mal à adhérer parce que le corps toujours me ramène à sa réalité.
A moins que cette migraine digestive conséquence d'un traitement fort ne soit elle aussi le signal d'une situation que mon psychisme n'a pas digéré ? L'interconnexion entre l'inconscient et le corps est décidément un mystère.