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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 21:50

Après la conversation sur les rêves, nous fîmes des exercices en mouvement afin de prendre conscience de notre place dans l’univers et oui, rien que ça.

Marcher à quatre pattes comme des primates que nous sommes en chahutant, se poussant, se frottant, s’arrêter, faire la course, rire, crier et interdiction de parler pour lâcher le mental ! Ressentir la limite du corps dans l’espace ainsi que celle de l’autre. Ensuite, nous nous sommes mises debout pour déambuler dans la pièce au hasard. L’animatrice bougeait vivement lors de ces exercices quand nous étions timides et incertaines. Après, elle nous mit quelques objets sur la tête : boules remplies de graines, bâtons, « pour marcher droit, le regard portant au loin  et ainsi prendre conscience que notre corps occupe l’espace depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête, appréhender le monde de toute sa hauteur, quelle qu’elle soit, unique ». Elle évoqua le manque de maintien dans notre culture par opposition aux femmes habituées à porter des objets sur la tête. Ici, nous vivons courbés, le regard au sol, fermés au monde, aux autres. S’astreindre à reprendre notre hauteur pour réaliser ce que nous mesurons, retrouver naturellement cette verticalité qui est la nôtre. Première étape.

Vinrent ensuite les ressentis de la marche. Réaliser que ce ne sont pas nos jambes qui nous font avancer mais notre BASSIN (d’ailleurs, au retour, quel ne fut pas mon étonnement quand mon fiston me taquina sur ma découverte parce que lui le savait).  Avec cette perception de mouvement interne, j’avais l’impression de revenir à une danse chaloupée et douce, naturelle et confortable. Mes fesses et mes hanches suivaient, la taille, le balancement des bras… Prise de conscience d’autant plus forte qu’après huit mois en fauteuil, il m’avait fallu tout réapprendre sans cependant réaliser dans mon combat que le bassin jouait ce rôle essentiel. Avec les premières lésions sur la moelle au niveau du sacrum, c’était véritablement le plus profond de mon être qui avait été frappé ; aux racines de ma colonne vertébrale, la maladie fauchait mes bases. Et là, dans ce petit stage de deux jours je revenais au sens de l’équilibre, au centre, au creux de ce bassin. Je n’ai décidément pas d’alternative à ce recentrage perpétuel.

 

Nous assistâmes à un office dans l’église de l’abbaye. Je n’y étais guère obligée, nous avions le choix ; je n’en avais jamais vu, j’étais curieuse, c’était l’occasion. J’écoutai les chants, les lectures, j’observai les moines derrière leur barrière. Dans ma tête, je les reliais aux images du Nom de la Rose, à mes études d’histoire. Que de questions traversèrent mon esprit sur cet engagement total ! Partant dans des pensées, je revins aux mouvements de mon bassin dans les levers et assises,  état particulier que celui d’être là en cet instant précis, présente à mon corps et à ces chants. Les souvenirs me renvoient à une espèce de symbiose quasi mystique.  Pour une agnostique, c’est pas banal !

Repas de midi. En dessert, j’y gloutonnai des pommes fraîches et des noix sous les rires des autres hôtes ; ma réputation était faite.  

Après, nous sommes sorties. Deuxième étape. Au soleil, pieds nus dans l’herbe coupée, au vent, sous les nuages, debout, assises, couchées. Fermer les yeux, sentir la terre, le vent par la peau, écouter les bruits alentour, réaliser le poids du corps couché sur le sol de tout son long, les bras et les jambes écartés,  étrange sensation que d’être écrasée ainsi sous le ciel ! Vibrer, trembler, frissonner, sentir l’air frais entrant dans les narines, sa chaleur quand il en sort ; retrouver les battements de son cœur, le flux du sang dans les veines. Nouvelle expérience quasi mystique de fusion avec l’univers en ce qui me concerne ! J’eus besoin de plusieurs minutes pour quitter cet état particulier. Puis nous exécutâmes des exercices de contorsions des bras, des jambes,  de la nuque «pour libérer les tensions ». C’était très agréable, mon corps souple et auparavant sportif l’apprécie toujours. Les kinés avaient mobilisés mes membres déconnectés, nous avions cheminé ensemble vers la récupération des fonctions motrices ; en cet instant, je mesurais mon parcours incroyable. Si le corps garde des séquelles dans certains fonctionnements, j’étais déjà à une toute autre échelle : je travaillais pour libérer les tensions, celles qui existaient AVANT la maladie. Punaise, quelle veine !

Peu à peu, notre temps commun s’écoula, l’heure de rendre les clefs des chambres approchait. Nous nous retrouvâmes à l’intérieur pour établir un bilan en clôture de ces heures passées ensemble. L’animatrice expliqua que chacun de ses stages étaient différents selon le nombre et la personnalité des participants. Cette fois- ci, le maître mot qui lui vint à l’esprit fut PARTAGE. Car, oui, nous avions partagé nos parcours de vie et c’était très émouvant d’être en communion toutes quand nous ne nous connaissions pas le samedi matin. Je fus très étonnée par la première intervention: «  Avant toute chose, je tenais à te remercier pour cette énergie que tu dégages, cette joie de vivre éclatante et débordante! ». Sous les sourires et les regards, je me sentis toute petite... et tellement heureuse d’avoir pu apporter de cette lumière à mes compagnes. Je rebondis pour les remercier à mon tour de ce beau weekend tout à fait à l’image de ce que j’en avais pressenti. La donation, le don, le partage ne pouvaient être plus beau programme. Il était étrange de se quitter, de revenir à la vie de l’extérieur le corps et la tête pleins de tant d’expériences. Toutes nous émîmes le désir de renouveler l’expérience et je songeais à Nadine ou Yolande qui apprécieraient certainement ce genre d’activités. Je vidai mon porte monnaie pour l’animatrice : « Ici et maintenant, je peux vous donner ça ». 35 euros qu’elle accepta avec humilité, précisant à nouveau que j’avais à donner sans me porter préjudice. Question d’équilibre. (Il y en a d’autres qui mériteraient une telle leçon.. sarcastique.gif ).

 Le retour en voiture fut particulier, éthéré. Chez ma mère où je récupérai mon fiston, je me sentis en total décalage, j’étais abasourdie peut- être.

Je ne revins pas indemne de ce stage.

Les sujets abordés dans nos conversations cheminèrent. La vie, la mort, la présence, le mental, les émotions, les besoins fondamentaux, la relation à l’autre, au monde, les capacités incroyables du corps à se régénérer. Par ce stage, je  mesurai à quel point j’avais médité pendant les heures noires de la maladie, la force insoupçonnée que j’avais déployée en me recentrant malgré la dégringolade, l’éviction du mental devenue réflexe de survie, les visualisations de mes membres quand ils étaient devenus fantômes à mon esprit, les visualisations des parcours de mes influx nerveux engendrant des réactions... Décidément, je n’en reviens toujours pas de ce que cette foutue maladie a provoqué de puissance vivifiante en moi !

Par ailleurs, ma nuque était nouée depuis des lustres au point qu’habituée aux raideurs, je n’en avais pas conscience. Quelques remarques de thérapeute y avaient porté mon attention. J’avais pris le temps de  réaliser la tension elle- même puis, j’avais eu besoin de nombreuses années pour envisager de la dénouer. Je cherchais, je cherchais. Avec quelques exercices de Qi Gong spécifiques et ces étirements, ce ne pouvait qu’être  qu’une question de temps  pensai-je. Régulièrement donc, je pratiquais sans m’attacher à ce que le miracle se produise. Un soir, en cours de Qi Gong, tout à coup, subitement, l’éclair se fit dans la pénombre de la salle : ma nuque était dénouée ! Après toutes ces années. ENFIN ! Pourtant, croyez- le ou non, je n’y attachais pas d’importance, c’était dans l’ordre des événements. A sa place. Parfaitement.  Dorénavant, je sens quand elle se tend, je l’entoure de ma pensée en baume et je lâche, je lâche. Naturellement.

La présence est devenue une discipline en ce qui me concerne, constamment.

 Etre présente à ce que je fais, ici et maintenant. En toute circonstance.

C’est loin d’être facile, perpétuel recommencement que de repositionner le mental à sa place. Je ne vois néanmoins pas d’autre voie. C’est par ce biais également que j’accompagne mon fiston dans son adolescence et ses tourments. Avec la cnv, le pôvre, il est verni. Sa mère est folle… et pleine de vie !


brass-e-de-fleurs.gif

commentaires

A
<br /> <br /> Lisant ta réponse, j'ai vu le com suivant. Le blocage du clic droit est une illusion car d'autres ne se gênent pas pour faire des captures écran voire capture texte tout simplement. Dès que l'on<br /> publie, le texte ou les images ne nous appartiennent plus quoiqu'on dise, et il faut le savoir avant de livrer sur internet ses créations.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Une de mes collègues s'est fait piqué un texte sur le Net alors qu'elle écrit et participe à des concours de nouvelles. Elle n'a rien pu faire.<br /> <br /> <br /> C'est à double tranchant  entre la possibilité de difuser sans passer par les voies traditionnelles souvent bouchées et le risque d'être dépossédé et/ ou manipulé. Il y a qq protections<br /> posssibles mais tout comme dans la vie réelle, nous avons beau faire, les surprises sont inévitables. Bonnes et mauvaises.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Ces techniques ne m'étonnent pas. Elles se retrouvent dans toutes les traditions, c'est même la base de toute mystique. Se recentrer, retrouver les liens qui nous unissent au cosmos, faire taire<br /> le mental, méditer. Prendre conscience du corps pour ressentir son âme palpiter.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Exact.<br /> <br /> <br /> En ce qui me concerne, je saisissais ces notions sur le plan intellectuel avant la maladie. Avec elle, j'ai expérimenté concrètement et physiquement. L'expérience donne toute la mesure  à<br /> ces concepts. c'est une toute autre dimension.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> Heureuse d'avoir lu la suite...<br /> <br /> <br /> M'autoriserais-tu à copier/coller tes 4 articles sur ce we et les donner à ma thérapeute, voir si elle connaît un peu ces approches? Car cela m'intéresserait beaucoup de faire ce genre de chose<br /> dans nos groupes.<br /> <br /> <br /> On fait déjà des choses approchantes, dans la prise de conscience de notre corps dans l'espace etc. Mais je trouvais certains des exercices que vous avez fait bien intéressants.<br /> <br /> <br /> Après, ptet que ma thérapeute a ça en réserve pour une autre fois :D Ou comme a bien dit l'animatrice de ton stage, que ça dépend de notre groupe et de comment elle le ressent.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> en tout cas, merci de nous livrer ton cheminement. Personnellement, ça m'aide dans le mien... Tu me donnes presqu'envie de faire un autre blog à ce sujet... Mon blog étant surtout pour tenir ma<br /> famille et mes amis au courant de notre vie, leur donner des nouvelles vu qu'une certaine distance nous sépare. J'y serais gênée de dévoiler trop mes découvertes intérieures. Elles pourraient<br /> être mal comprises par certains et ce n'est pas le but...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bonne journée l'ensorceleuse :D<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> J'ai bloqué le clic droit pour le copier, as- tu un autre moyen pour y parvenir? Type raccourci clavier?<br /> <br /> <br /> S'il y a le moindre souci, je t'envoie les "originaux" par courriel directement.<br /> <br /> <br /> Cette animatrice fait du hatha yoga depuis des années et applique la méthode Vitoz ( dont  je ne sais toujours rien hihi), accompagne de malades et des mourants. Une belle expérience<br /> conjuguée à des références citées; je suis toutefois heureuse que mes écritures prennent leur envol par ailleurs, c'est VIVANT! <br /> <br /> <br /> Ensorceleuse? mmm, ça me plait ça ! <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Très bel article, qui montre où tu en es arrivée. Et aussi comme il faut être vigilante et continuer. Cette "folie" manque plutôt aux autres! C'est un plus et non un moins.<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Je le sais.. ce sont les autres qui n'ont pas toujours l'air de s'en rendre compte... <br /> <br /> <br /> C'est une boutade parce que je m'en fiche, ils font ce qu'ils veulent.<br /> <br /> <br /> Quant à continuer, évidemment, c'est le parcours de toute une vie. Eternel inachevé.<br /> <br /> <br /> <br />

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