En médecine chinoise, l'hiver est la saison du repos, du retour sur soi.
Cette année, nous avons eu de la neige quasiment sans arrêt, sauf à Noël, comme par hasard, pied de nez à nos représentations. Aujourd'hui encore, elle tombe à gros flocons ( ils ne sont malheureusement pas visibles sur la photo, mince)
Je ne sors quasiment pas hormis les quelques rendez- vous quand des chauffeurs viennent me chercher. Les visites chez ma chère voisine n'ont pu se faire en raison de quelques soucis de santé, une grande fatigue. Mes amis sont loin, occupés et ne s'aventurent que rarement dans ce coin reculé. Mes envies de bouger n'aboutissent pas en raison de l'exaspération de mon unique chauffeur personnel face à mes difficultés physiques. Il aime la conduite sportive et les accélérations, aller et venir à sa guise pendant des heures, sur les routes, piétiner dans ses magasins, manger par ci par là, seul, sans entrave. Autant dire que ma vessie sensible aux secousses, mes envies impérieuses d'uriner, mon incapacité à marcher plus d'une demie heure, à piétiner, bouger et sautiller d'un point à l'autre, mes yeux faibles qui me ferment au plaisir de dévorer les détails de l'appel des rayons surchargés des magasins inconnus sont des prétextes à me laisser sempiternellement à la maison, parce que je ne suis pas capable de suivre la course effrénée à la consommation, parce que je deviens un boulet dans les plans élaborés par le chauffeur bien- portant. Comme en plus, il ne peut envisager de laisser le fiston seul à la maison ( Imaginez, il pourrait inviter cinquante personnes, mettre le feu, inonder, fouiller et toucher aux affaires d'autres, salir toute la maisonnée, appeler pendant des heures des numéros surtaxés ou aller sur des chaînes, des sites malveillants, vider tous les placards de ses gadgets alimentaires mangés sur le canapé du salon de monsieur ... et j'en passe), le boulet se double d'un traîne - savate bougon et désagréable.
Ainsi, je reste à la maison avec Etienne, quand il n'est pas parti pour le collège du matin au soir, presque tous les jours, sans possibilité de voir autre chose que les chemins archi- connus autour de la maison, déambulation sans but, ni surprise dans ce village aux rues vides, chacun restant derrière ses murs ou sa haie.
Pourtant, n'y voyez aucun désarroi, ni aucune tristesse car en cette période de repli, je nourris ma part la plus immatérielle, je baigne dans cet univers immense blotti au creux de l'être.
Les quelques rencontres sont magnifiques et riches, entre des anciens stagiaires qui me sautent dans les bras en me découvrant, par hasard, au détour des chemins, certaines personnes croisées au Qi Gong hebdomadaire ou encore des échanges téléphoniques magiques, je vis des instants de découverte et de joie profonde. A la maison, théâtre quotidien de mes activités domestiques où je passe la majorité de mon temps retranchée dans mon atelier, je suis en marge de mon enthousiasme habituel, je me sens à l'intérieur, au creux de moi. Je me détache des écrans, je retrouve des activités proches du corps, j'écoute France Culture, des livres lus, sans musique, simple bourdonnement et flot de mots, France Musique ou mes musiques improbables et envoûtantes..
Ma tête est prise des maux de tête particuliers à la maladie ; mon nerf optique a fait connaître son trajet avec elle et de temps en temps, il se rappelle à moi. La pratique d'un exercice de Qi Gong où l'énergie traverse ce nerf jusqu'au cœur du cerveau semble avoir réveillé ces douleurs. J'espère que la régularité de la pratique portera ses fruits et me permettra de recouvrer toujours plus de vue. Mon prochain contrôle sera pour fin avril, en plein printemps ; je suis curieuse d'y entendre les dernières conclusions.
Les reins sont les organes phare de l'hiver chez les Chinois, reliés aux yeux, à la vessie, forcément et là aussi, le Qi gong et la réflexologie plantaire thérapeutique les ont mis en avant. Pour compléter la thérapeutique, je demandai une séance d'acupuncture sur le méridien vessie et reins. Les aiguilles piquaient sans sensation particulière jusqu'à un point au bas du dos, à droite. Là, je sentis tout à coup une onde de choc qui se répandit rapidement. J'eus mal jusqu'au Qi Gong et trois jours après, il reste douloureux, me tire dans la fesse, au bord extérieur du mollet droit. Non sans sagacité, je remarque que ce parcours est identique à celui qui révéla la maladie. Le cheminement de la connaissance de soi n'est pas achevé et au creux de ce repli hivernal, je me découvre sereinement en pleine course.
Pour toutes ces raisons, l'écriture se fait plus rare. Le récit sur ce blog étant guidé par une ligne générale, je m'interdis de publier n'importe quoi, n'importe quand. Ses replis, telles des inspirations profondes, transparaissent par des articles en pointillé. Quand viendra l'expiration, ils se feront plus fréquents et enlevés car, est-il nécessaire de le préciser ?, ces replis ne sont pas synonymes de veille de la cervelle.
Les plantes endormies sous la neige préparent la floraison du printemps, les graines enfouies sommeillent dans l'attente des jours plus doux. Je suis partie prenante de ce monde, je suis le rythme de la nature ; après le repli, je sais que viendra l'explosion. Au creux de moi, il y a l'univers, je suis en symbiose avec lui et je ne suis qu'une soupape, un loquet soulevé par la respiration entre cet interne et l'externe qui m'entoure.
Inspiration, expiration, repli, expansion...