Je ne comprends pas.
C'est la saison des pommes et mes hommes les aiment ; parce qu'elles ont bon goût, parce qu'elles sont faciles à manger et à transporter. Ils les dévorent les unes à la suite des autres. J'ai réussi à les informer sur l'achat intelligent en pleine saison, de France et non du Chili ou d'Argentine hors saison, ouf. Mon garçon en a voulu au magasin bio parce qu'elles sentaient réellement la pomme, celle des vergers anciens et étaient originaires d'un producteur local.
C'est tout.
Quand Babeth m'a préparé un gros sachet de pommes qui lui avaient été données, j'ai été enchantée : « Ils seront contents ! ». Je les ai mises dans le panier à fruits en arrivant, il y en avait tellement que le buffet en était envahi. C'était un plaisir pour les yeux et le nez.. Le fiston évoqua vaguement une tarte aux pommes vite passées aux oubliettes. Elles ne bougent pas.
Je ne comprends pas.
Ma mère débarque dans la foulée avec d'autres pommes et nous prépare des pommes au four. Sur les 5 ou 6 qu'il y avait, elle en a mangé une, les gaillards aucune et moi le reste. Les autres ne bougent toujours pas.
Je ne comprends pas.
Trois jours après l'arrivée des dites pommes, voilà mon gaillard qui rentre des courses avec un sachet de cinq pommes rouges, toutes brillantes et calibrées du supermarché. Incrédule, je lui demande bêtement pourquoi il en a pris alors que nous en avions tellement sur le buffet « Oooooh ! Je ne les aime pas, je n'aime que les rouges Royal Gala ! ». Je reste incrédule.
Je ne comprends pas.
Le lendemain, le fiston prend une pomme et la mange sans demander son reste, je n'ai pas à surveiller, qu'il mange. Deux heures après, il revient avec une autre. C'est une Royal gala et je lui explique que c'est le grand gaillard qui se les a achetées pour emmener au travail. Bah, il la remet en place en s'excusant qu'il ne savait pas et n'en prend pas d'autre.
Je ne comprends pas.
Les jours passent, les pommes ne bougent pas, sauf les Royal Gala qui diminuent de jours en jours.
Je ne comprends pas.
Finalement, ne supportant pas de les voir perdues, je prépare un crumble avec quelques unes un peu flétries. Je me demande si je ne suis pas la seule à l'avoir mangé. Le grand : « C'est un peu trop fort », le petit « Je n'aime pas ». Comme j'insistais connaissant le loustic, il goûte et finit par dévorer la dernière part en salivant de plaisir. Ah, quand même ! Les autres fois, ils avaient pourtant aimé.
Je ne comprends pas.
Ce matin, les pommes n'ont toujours pas bougé, je décide de faire de la compote.
- Mais qu'est- ce que tu fais encore ?!!!?
- Ben, de la compote... puisque vous ne mangez pas les pommes.
- Oh, mais moi, je n'aime que les Royal Gala ! et il part vite fait dans une autre pièce.
Il n'aime pas quand je fais mes préparations : je salis la cuisine, l'évier, de la vaisselle, des casseroles, j'éclabousse, j'entasse des trucs à égoutter je remplis le bac à compost qui l'insupporte, j'occupe de l'espace en écoutant la radio qu'il trouve rasoir (France inter le matin) et en plus, au final, il y a d'étranges mixtures qui traînent dans la pièce, le pire étant quand la casserole déborde et que la plaque de cuisson est à nettoyer. Alors, faire une compote de pommes, quelle drôle d'idée ! Ça ne vaut pas la préparation des gelées et confiture que je vous réserve à l'avenir pourtant.
Je ne comprends pas.
La compote maison ... Un peu de cannelle, un peu de beurre, du citron ou du sucre, chaude ou froide. Qu'est- ce que c'est bon !
J'aime quand il y a des morceaux fondants sous le palais, quand j'y trempe un petit gâteau croquant, que je retrouve le goût des différentes pommes mélangées.
J'aime la compote maison.
Miam miam.
Pourquoi n'aiment- ils que les pommes formatées du supermarché ? Pourquoi n'aiment-ils que les compotes en bocal ou en emballage individuel toutes faites dans de grosses usines?
Je dois vraiment être très bête parce que je ne comprends toujours pas.
- Dis bonhomme, tu as vu qu'il y avait de la compote là. ?
- Oh, j'ai bien senti une odeur de pomme mais je ne savais pas d'où ça venait. Je peux pas savoir moi si on ne me dit rien.
Je lui en donne dans un ramequin. Il revient quelques minutes plus tard avec sa petite vaisselle:
- Alors, c'était bon ?
- EXCELLENT !
Je pense « Aaah ! Quand même ! »
Dix minutes, le garçon s'agite dans le salon.et soupire :
-Oh, je rêve d'une belle pomme bien rouge et ronde...
Pff, je dois vraiment être très très bête pour ne pas comprendre...
Sommes- nous donc tellement coupés de la réalité de la naturalité de la nourriture ?
Pensées pour Ravage de René Barjavel.
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