Je n’écoutais pas Abba dans mon enfance, je ne les ai connus que très tard et vraiment, je n’aimais pas, affreusement kitsch. Et un jour il y a une bonne dizaine d’années, j’ai vu le film Muriel de PJ Hogan ; depuis, Abba a pris un tout autre goût pour moi.
Muriel vit en Australie dans une petite ville insipide. Son père est détestable, sa mère abattue, ses frères et sœurs trainent leurs carcasses dans un bazar généralisé. Elle est triste, ne s’aime pas et s’évade grâce à la musique d’Abba en rêvant à un merveilleux mariage. Elle fraude et part rejoindre trois filles qu’elle dit être ses amies. Rejetée, elle retrouve, par hasard, Rhonda, une ancienne camarade de classe dynamique, libre, authentique. Une magnifique amitié se construit entre elles et la vie de Muriel est transformée. Par la sincérité de Rhonda, elle apprend à s’accepter et à regarder ses propres qualités. Pourtant, elle ne se défait pas de ses rêves d’adolescente et en répondant à une petite annonce, elle épouse (pour les papiers) un nageur sud africain dans une belle cérémonie comme elle en a toujours rêvé. Entre temps, Rhonda a eu une tumeur et se retrouve paraplégique. Il y a une rupture, une cassure jusqu’à ce que Muriel réalise enfin que sa joie de vivre lui vient de cette belle amitié avec Rhonda et non de ces rêves chimériques, ersatz d’une vie triste et vide. Elle liquide son passé et vient libérer Rhonda des trois jolies mégères qui lui tiennent compagnie.
J’en parle mal, l’histoire et les personnages sont tellement complexes, travaillés que la place me manque pour en laisser entrevoir la richesse . Si techniquement, je ne m’y connais pas suffisamment, je sais que j’aime ce film et à chaque Dancing Queen, mes pensées se promènent chez Muriel avec plaisir et joie.
Dans la médiocrité, une rencontre peut sauver une existence, la vie est pleine de surprises, la souffrance peut enfermer dans des rêves chimériques au risque de passer à côté de ce qui fait la richesse des instants vécus au présent. Comme il est néfaste de vouloir à tout prix imaginer que notre bonheur viendra de parcours stéréotypés par l’environnement, la société, les représentations du groupe où nous évoluons. Quand nous ne nous aimons pas, les autres sont des bourreaux ; quand enfin nous réalisons la richesse et la complexité de nos internes bien loin des clichés manichéens vendus à tour de bras, l’autre se révèle un miroir positif de soi.
Je reconnais là les thèmes de mon ami Boris : nous existons par le lien, dans le toxique et le bénéfique. Ceux- là entretiennent nos pulsions de mort dans l’autodestruction et ceux- là portent en eux cette rage de vivre qui nous habite ; nous faisons le choix d’ouvrir les portes aux uns ou aux autres, très souvent inconsciemment, conditionnés que nous sommes par des choix faits enfant dans le fatras de notre entourage. Les erreurs s’accumulent, nous nous réveillons ou pas. Voilà de quoi sont construits nos parcours de vie.
Muriel en est un exemple merveilleusement raconté et ce n’est pas par hasard que j’aime tant ce film. Malgré la cruauté, le cynisme, la tristesse morne d’un quotidien pénible, la vie nous offre la possibilité d’évoluer et d’enchanter notre existence non dans des chimères mais dans des instants précieux tricotés par l’amitié, la sincérité, l’authenticité. Muriel, un hymne à la liberté et à la joie de vivre à dévorer sans modération…
Mon entêtement est là : garder foi en l’humain vivant !
Allègrement, je rebondis.